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Actualité

Astreint de protection civile: une tâche pas toujours facile

Par Tania Bonamy

Dans le cadre de la crise actuelle que nous traversons, la Protection civile vaudoise est engagée massivement auprès de plusieurs institutions pour des missions aussi diverses que variées. Ces dernières peuvent aller du soutien des agents de police pour contrôler l’application des mesures Covid à des travaux de soins poussés dans les hôpitaux. Une expérience vécue inégalement par les astreints et parfois éloignée de la vision idéale que l’on a pu lire dans les médias[1]. Nous avons rencontré Raphaël[2], qui témoigne pour sa part d’une expérience difficile, heureusement teintée de petits actes de soutien et de solidarité.

Une affectation problématique

Les choses s’engageaient mal pour Raphaël, qui sort d’une année épuisante suite à une longue hospitalisation de son jeune fils au printemps passé: "J’ai vu la souffrance humaine aux soins continus. Les images sont fortes, l’atmosphère y est lourde et les parents sont démunis." Une expérience marquante qui s’allie à un inconfort existant vis-à-vis du milieu hospitalier. Autant dire que l’incorporation, fin décembre passé, dans un EMS du Nord-vaudois, ne se présentait pas de manière aisée pour cet astreint. Cependant, Raphaël est une personne douée de bonne volonté et de nature optimiste. Il se rend donc courageusement sur son lieu d’engagement mais déchante rapidement. Il ne se sent pas à son aise, dépassé par les missions et abandonné par le personnel soignant: "On m’a présenté les patients puis j’ai dû me débrouiller. Entre 16h30 et 19h, je me retrouvais sans aucun référent pour gérer le repas du soir." Il est parfois compliqué de réagir de manière adéquate à des situations pour lesquelles on n’est ni formé ni préparé. Ainsi, lorsque Raphaël demande à un résident ce qu’il veut boire, ce dernier répond "Je ne veux plus trembler". Que répondre à cela? On mesure ici toute la limite de nos compétences sociales. "Je sentais mon corps me lâcher, le moral en berne et les nerfs à vif", résume Raphaël.

Un courageux appel à l’aide entendu

Demander de l’aide, admettre ses limites n’est jamais facile. "Durant les jours précédents, je lisais des articles où chacun vit une expérience humaine incroyable. Cela a ajouté à ma culpabilité: si les autres y arrivent, pourquoi pas moi?" Finalement, Raphaël décide de demander de l’aide du côté de la protection civile, puisque l’institution pour laquelle il travaille ne semble pas en mesure de lui en fournir. Il contacte les pairs débriefeurs du canton qui se montrent très disponibles et à l’écoute. Après un téléphone d’une heure de temps qui lui fait du bien, ils concluent que c’est à la porte de l’organisation régionale qu’il faut toquer. Raphaël s’adresse donc à son commandant, qui se montre empathique et le redirige vers les responsables des opérations. Ces derniers prennent la mesure du problème, s’arrangent pour le faire remplacer et le renvoient à la maison. Ce que regrette notre astreint: "J’aurais aimé pouvoir être utile dans un secteur qui m’aurait mieux correspondu comme le Drive-In ou sur les pistes de ski". Au final, il retournera au travail, fatigué mais soulagé: "Pour moi, reconnaitre mon incapacité n’est pas un acte de faiblesse mais de courage".

Une expérience malgré tout positive

Raphaël a vécu des jours difficiles dans cet EMS mais, toujours optimiste, en retire du positif. "On apprend beaucoup sur soi-même, dans ces moments. On appréhende nos limites, on apprivoise nos craintes et nos peurs." Il relève également le soutien des hommes de la protection civile qui, bien qu’on puisse parfois les imaginer déconnectés du terrain, savent faire preuve de compréhension. "Je tiens à saluer la réactivité des collaborateurs de la PCi-VD, qui m’ont permis de souffler et de me sentir soulagé. J’ai pu voir le soutien de tout le personnel des opérations et cela me rassure énormément pour mes prochaines missions." Le système de soutien psychosocial mis en place par le Canton s’est également révélé d’une grande aide. "Après avoir appelé puis raccroché 3 fois de suite, probablement à cause d’une forme de fierté déplacée, j’ai finalement laissé un message sur le répondeur pour expliquer mon problème. Ils m’ont rappelé très rapidement et ont pris le temps de m’écouter alors qu’il était 22h."

Rappelons rapidement ici les principaux symptômes de stress aigu: réactions physiques telles que sudations ou tremblements inhabituels, dissociation entre corps et émotions, réflexes d’évitement, sentiment d’impuissance ou de culpabilité, baisse subite du moral… Les bons réflexes sont de demander de l’aide et de ne pas rester seul! Ce que Raphaël a courageusement réussi à faire.

[1] Lire notamment « Quand le ‘‘PCiste’’ nettoie le corps des morts du Covid », 24 Heures, 11 décembre 2020. Url : https://www.24heures.ch/les-astreints-simprovisent-urgentistes-du-covid-19-855990479340

[2] Prénom d’emprunt.

Le numéro de téléphone sur lequel les astreintes et astreints de la Protection civile vaudoise peuvent joindre le groupe de soutien 24 heures sur 24 est le 021 316 50 91. Il leur suffit de laisser une demande sur le répondeur confidentiel, ainsi que leurs coordonnées. Les pairs débriefeurs prennent la demande et la traitent au plus vite avec une prise de contact.