En marge d’une rencontre de formation, le Groupe de Soutien Psychosocial de la Protection civile vaudoise a accordé un long entretien à la CellCom du Détachement Cantonal. Ce groupe, aujourd’hui composé de huit astreints, deux professionnels de la protection civile et de deux psychologues professionnels intervient en cas d’accidents, de catastrophes ou d’actes de violence lors desquels les intervenants sont soumis à une charge émotionnelle intense. Nous avons cherché à en savoir plus sur les personnes qui composent ce groupe et à découvrir leur personnalité.
Tout d’abord, pourriez-vous rappeler à nos lecteurs quelle est votre mission ?
Nous mettons à disposition des astreintes et astreints de la Protection civile vaudoise une messagerie téléphonique qu’ils peuvent solliciter en cas de problème ou de stress psychologique. Notre mission, en tant que Pair Debriefeur, est de rappeler les astreints ayant laissé un message pour faire ce que l’on appelle un defusing, à savoir une discussion, une exposition des problèmes et tenter de reconnecter l’astreint à ses ressources personnelles et aux missions qui lui sont confiées. Si ce defusing n’atteint pas pleinement ses objectifs, nous avons la possibilité de faire un débriefing plus poussé.
En résumé, nous intervenons quand les gens font face à des situations difficiles, et cela dans tout le canton de Vaud pour les astreints en service.
Dites-nous comment le groupe vit-il les deux engagements COVID-19 ?
Tout d’abord, nous avons la chance d’avoir pu bénéficier d’un nouveau recrutement récent, ce qui nous a permis d’appréhender plus sereinement cette nouvelle crise. En effet, lors de la 1ère vague, l’effectif de notre groupe était moindre et l’afflux de demandes de soutien lié aux situations compliquées vécues dans le cadre de la crise sanitaire n’aurait pas pu être appréhendé de manière optimale sans ces forces nouvelles.
Le début de la première vague était “chaud”, autant du point de vue de la protection civile que du groupe des pairs débriefeurs. Après les deux premières semaines de la 1ère vague. la situation s’est un peu détendue. L’évolution la plus flagrante pour nous réside dans le fait que les premières sollicitations étaient liées au virus. Aujourd’hui, elles sont plus liées aux situations auxquelles les astreints sont confrontés, alors que le groupe de soutien a maintenant pris ses marques et tout se passe avec plus de fluidité, même si l’on ressent de la détresse chez certains astreints.
Quelles sont les perspectives du groupe pour les mois et les années à venir ?
Aujourd’hui, nous sommes opérationnels pour les “urgences”. Notre projet, à terme, est de pouvoir faire de la prévention. Dans ce but et pour initier la prévention, un module gestion du stress sera donné lors du cours de cadre cantonal 2021 en collaboration avec la CPV.
Nous allons également insister sur l’importance de l’hygiène personnelle pour l’équilibre psychologique et affronter les situations complexes dans les meilleures conditions possibles.
Avez-vous suivi une formation spécifique pour devenir membres du groupe de soutien psychosocial ?
Notre formation évolue encore aujourd’hui. Les nouveaux arrivants ont pu bénéficier d’une formation plus spécifique à la PCi alors que les premiers membres de notre cellule ont plutôt suivi leur formation dans des filières “feux bleus”. Durant une semaine, nous avons appris les mécanismes du stress et ses pathologies liées, nous avons également beaucoup travaillé les jeux de rôles afin d’ apprendre et tester diverses compétences dans la manière d’aborder des personnes, les aider à ventiler et mettre en place des stratégies personnelles pour la psychologie d’urgence.
Quelles sont les différences entre les miliciens et les professionnels de votre groupe ?
Notre fonctionnement est précisément codifié par le Réseau national d'aide psychologique d'urgence (RNAPU). Les pairs ont pour rôle d’intervenir dans l’immédiat en tant que premier seuil et premier front, tout cela dans un environnement codifié. Un psychologue coordonne toujours l’intervention. L’intervention ne se fait pas forcément sur place pour un defusing, qui peut également être effectué par téléphone. Cependant, un milicien n’opère jamais seul lors d’un débriefing officiel.
Il convient de préciser que l’intervention du groupe n’est jamais assimilée à une prise en charge thérapeutique. Au contraire, le statut de milicien du pair débriefeur le place au même niveau que les personnes qui sollicitent son intervention, avec une rôle de “Grand-frère de la protection civile”. Cette intervention de première ligne permet parfois au sollicitant d’exprimer tout de suite les situations vécues et peut éviter qu’elles s’installent et engendrent plus de complications. Pour conclure, nous pensons fermement que le binôme psychologue-pair débriefeur amène beaucoup dans les deux sens et qu’il est essentiel et indispensable.
Comment fait-on pour solliciter le soutien psychosocial ?
Le numéro de téléphone sur lequel les astreintes et astreints de la Protection civile vaudoise peuvent joindre le groupe de soutien 24 heures sur 24 est le 021 316 50 91. Il leur suffit de laisser une demande sur le répondeur confidentiel, ainsi que leurs coordonnées. Les pairs débriefeurs prennent la demande et la traitent au plus vite avec une prise de contact. Il y a aussi des possibilités que le groupe soit préalarmé, par exemple dans le cas d’une battue.
Les pairs débriefeurs ont-ils parfois besoin des pairs débriefeurs ?
Oui, bien sûr ! D’ailleurs un membre du groupe ne peut pas être pair débriefeur sur une situation dans laquelle il était impliqué.
A chaque intervention, le pair débriefeur doit se demander s’il est apte à intervenir psychologiquement, quitte à décaler l’intervention dans le temps. Un débriefing est systématiquement organisé avec l’intervenant. L’idée est toujours de se protéger soi-même avant d’aider les autres, c’est un peu comme dans l’avion : il faut mettre son propre masque à oxygène avant celui de la personne que l’on souhaite aider.
Comme vous pouvez le constater, ce groupe qui agit dans la discrétion mérite d’être connu de tous tant ses interventions sont primordiales. En 2020, ce ne sont pas moins de 25 missions au profit de 35 astreints qui ont été menées par le groupe. Ces interventions, majoritairement liées à la crise du COVID-19, ont eu lieu dans les quatre bataillons et ont été réparties dans tout le canton dans un délai moyen de trois heures.